puisqu’il faut l’appeler par son nom…. (La Fontaine)
» Jeanne, fille légitime de Me Jean BADON et de Marie MURET, du lieu des Giraudons, paroisse de Monteil, portée en cette paroisse de Gilhoc à cause de la ligne de séparation faite pour empêcher la contagion de la peste et qui ne permet pas de la porter audict Monteil, a été baptisée le 13 mars 1722. Son parrain a été Antoine BAUD, substitué à la place de Jean MURET du lieu des Rochettes, paroisse dudict Monteil nommé parrain et qui n’a pas pu passer à cause de la dicte ligne et sa marraine Jeanne FOULIER dudict lieu des Giraudons de ladicte paroisse de Monteil, lesdicts parrain et marraine illitérés de ce enquis. Frère Félicien , Rd Carme, vicaire » Texte communiqué par Danielle GRAND N.D.L.R.: Le 25 mai 1720, le « Grand Saint Antoine », capitaine Jean-Baptiste CHATEAU, de Marseille, rentre après dix mois et trois jours d’absence. Il a fait escale à Smyrne, à Chypre, à Tripoli, à Chypre de nouveau, puis à Livourne et il arrive en rade de Marseille. Le « Grand Saint Antoine » a eu cinq morts suspectes en route, mais il a des patentes de santé en bonne et due forme, signées par le médecin de santé de Livourne, un expert en matière de peste. Marseille a oublié la peste: les dernières épidémies ont été celles de 1630 et de 1649, il y a plus de 70 ans.Depuis, le port s’est doté de la meilleure organisation sanitaire de la Méditerrannée. Colbert y a construit les « Infirmeries » qui reçoivent marchandises et équipages pour une quarantaine dont l’efficacité n’est plus à prouver. En trois quarts de siècle de fonctionnement, pas la moindre fuite ne s’est produite, pas le moindre incident sanitaire. Marseille ne croit plus à la peste. Pourtant, le 20 juin, rue Belle-Table, une rue que les habitants des beaux quartiers ignorent, Marie Dauplan, une miséreuse, meurt en quelques heures. Elle a un « charbon » sur la lèvre. Elle a reçu, à titre d’aumône, des vêtements ayant appartenu à l’équipage du « Grand Saint Antoine ». Le 28 juin, Michel Cresp, tailleur, meurt subitement sans le moindre signe.Le 30 juin, sa femme le suit. Trois morts suspectes dans le même quartier: le corps sanitaire ne réagit pas tant la réputation des « Infirmeries » est solide. Le 1° juillet, deux nouvelles victimes, deux femmes, avec un « charbon » sur le nez. Dans la semaine qui suit, la mort frappe encore, plusieurs fois par jour. Puis, le 9 juillet, un adolescent meurt dans un beau quartier cette fois. De vrais médecins, les Puyssonnel père et fils, sont là. | Le diagnostic tombe enfin: la peste ! Mais trois semaines ont été perdues: il est trop tard. Dans la maison du jeune garçon, personne ne survit. Au lazaret, la peste fait déjà rage mais elle a aussi contaminé la ville. Le dispositif d’alarme n’est pourtant mis en place que le 26 juillet par les échevins. Le 31 juillet on chasse trois mille mendiants de la ville. La maladie se répand aux alentours. Début août, il meurt, dans la ville, cent personnes par jour. A la mi-août: trois cents, fin août : cinq cents. Début septembre, ce sont plus de mille cadavres qui, chaque jour s’accumulent dans les rues. Car on meurt dans la rue et il n’y a plus de charretiers pour emporter pêle-mêle ces cadavres jusqu’au crématoire improvisé qui n’est d’ailleurs plus à même de les recevoir. On ne verra réapparaître les corbillards à Marseille qu’au début de 1721, quand le rythme des décès se ralentit enfin. La population saluera ces corbillards comme le signe d’une délivrance. Pourtant, l’épidémie, avec des hauts et des bas, est loin d’être terminée. Avec l’arrivée des mendiants chassés de Marseille, la maladie est apparue d’abord dans les villages du littoral. Puis elle s’est enfoncée dans les terres. Le Parlement d’Aix a interdit, sous peine de mort, les relations avec Marseille: peine perdue. La peste s’étend, remonte la vallée du Rhône. Paris s’émeut enfin et décide d’opposer aux grands maux les grands remèdes. Une ligne de défense est instaurée. Tout trafic sera bloqué entre le territoire infecté et les territoires encore sains. L’armée établit ce barrage à travers montagnes et plaines, avec des postes de garde espacés d’une portée de fusil. Personne ne peut franchir cette ligne. En cas de refus d’obtempérer et de faire demi-tour, la consigne à la troupe est claire: on ouvre le feu ! Aucune exception n’est recevable, fut-elle le passage d’un enfant à baptiser. Michel GUIGAL. Le tracé de cette « ligne de la peste » est mal connu. Nous avons là une indication précieuse: la ligne passait entre Gilhoc et Monteil, sur l’actuelle commune du Crestet. Si vous trouvez, au cours de vos recherches d’autres indications sur la localisation de cette ligne, ne manquez pas de nous en faire part. La rédaction. |
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