Mariages an VII et an VIII

Certes, la période révolutionnaire n’est pas la plus favorable pour la recherche: le bouleversement qu’avait constitué le fait d’avoir confié aux municipalités la charge de tenir les registres d’état-civil n’a pas été sans conséquences. En effet, les officiers d’état-civil désignés par les communes n’étaient pas toujours à la hauteur de leur tâche et il fallut quelques années pour que le nouveau service devînt performant.
Vos recherches sur les registres de cette époque sont donc parfois difficiles et décevantes. Mais si vous recherchez un mariage qui se situe dans les ans VII et VIII de l’ère révolutionnaire, n’oubliez pas que ce n’est pas dans les registres de la commune que vous devez chercher mais dans ceux du chef-lieu de canton.
C’est la loi du 13 fructidor an VI (30 août 1798) qui institua l’obligation de célébrer les mariages les jours de décadi au chef-lieu de canton et ce à partir du 1° vendémiaire an VII (22 septembre 1798). Les maires des autres communes continuaient à recevoir les déclarations de naissances et de décès, mais n’étaient plus habilités à rédiger les actes de mariage.
Cette loi poursuivait deux buts:
1°- L’institution de la « décade » de 10 jours en remplacement de la semaine ne paraissait pas devoir être suivie d’un accueil enthousiaste de la part des Français. Les catholiques continueraient, malgré l’interdiction, à célébrer des messes dominicales. L’habitude aidant, la plupart des citoyens continueraient à suivre un rythme de 7 jours et non de dix et à observer le repos dominical. Le Directoire espérait, en rendant obligatoire le mariage le décadi, donner à ce jour un certain lustre.

2°- La loi Jourdan sur la conscription risquait d’amener des abus à propos des actes de mariage: en effet, n’étaient soumis à la conscription que les hommes célibataires. Il était donc tentant de contracter un mariage fictif pour éviter d’être enrôlé. Or, s’il était facile d’obtenir du maire de son propre village l’établissement d’un acte de complaisance, cela devenait plus aléatoire quand l’acte était établi au chef-lieu de canton, et quand son établissement était entouré d’ une certaine solennité.
L’expérience montra que les espérances du Directoire étaient vaines mais non ses craintes. Le peuple opposa toute la force de l’inertie à l’adoption du calendrier décadaire. Le pouvoir céda et rétablit la semaine de 7 jours et le mariage à la mairie de la commune par l’arrêté du 7 thermidor an VIII (26 juillet 1800).

– L’étude du courrier du préfet de l’Ardèche dans les années qui suivirent ( Série 4 K) montre que les craintes du pouvoir à propos des actes de mariages fictifs étaient fondées: voici le texte d’une lettre adressée par le préfet de l’Ardèche au Ministre de l’Intérieur le 15 nivose an IX (5 janvier 1801) soit six mois seulement après le rétablissement du mariage à la commune :

« Citoyen Ministre, Je dois appeler votre attention sur un objet qui intéresse essentiellement l’ordre public: les registres d’état-civil. Je ne sais s’ils sont partout comme dans l’Ardèche, mais il est impossible de s’en faire une idée à moins de les avoir examinés. Les omissions peuvent se réparer mais ce qui ne peut l’être, c’est cette foule immense d’actes absolument faux et pour la rédaction desquels les falsificateurs ont recours à toutes les ruses, à toutes les fraudes imaginables. Ici, ce sont des registres faux d’un bout à l’autre, pour lesquels on s’est procuré des feuilles blanches restées d’autres registres sans s’embarrasser des apostilles mises par les magistrats, ni des changements de timbre. Dans d’autres cas, on a falsifié la signature du magistrat. Ailleurs des faussaires plus adroits ont revêtu leurs actes d’une apparence de vérité, mais ici c’est un garçon qui épouse sa tante de quatre vingts ans, ou ce sont de jeunes gens qui épousent de vieilles femmes et qui seraient leurs grands mères, ou d’autres qui épousent des filles qui n’ont aucune connaissance du prétendu mariage, ou des femmes mortes depuis longtemps, ou même des hommes déguisés en femmes et qui se sont prêtés à la fraude. Ce sont les quelques difficultés que présente un des départements les plus ignorants de la République… »

A retenir de ce qui précède; cherchez les mariages de l’an VII et de l’an VIII au chef-lieu de canton.

Texte écrit par Michel GUIGAL