Un grand nombre de patronymes ont pour origine le nom d´un arbre. On peut se demander pourquoi et la réponse n´est pas évidente. Il faut imaginer deux possibilités : le patronyme peut avoir été créé à partir d´un sobriquet, chaque espèce d´arbre est considérée comme possédant une qualité ou un aspect caractéristique. On dit volontiers « solide comme un chêne, souple comme un saule »etc…. On peut penser qu´un homme solide aurait été appelé « Chêne », un homme souple « Saule ». Mais plus raisonnablement, l´origine doit être dans la présence d´un arbre remarquable auprès de l´habitat de la personne désignée : celui qui vivait près d´une châtaigneraie aurait été appelé « Chataigner », celui dont la maison s´élevait au cœur d´une oliveraie aurait été appelé « Olivier », etc… Il est vraisemblable que l´une et l´autre de ces possibilités aient pu intervenir à un moment ou à un autre sans qu´il soit possible de trancher à ce sujet.
Sans prétendre à l´exhaustivité, citons quelques exemples ardéchois de ces curieux patronymes issus de noms d´arbres :
Certains sont immédiatement reconnaissables puisqu´ils affectent la forme actuelle du nom de l´arbre, sans la moindre altération. C´est le cas, en particulier, pour les trois patronymes suivants : Noyer, Châtaigner, Chêne. Mais il est plus difficile de reconnaître ces trois noms quand ils affectent les formes suivantes : pour le noyer : Nogier, Nougier, Noyaret, Nougaret, etc… pour le châtaigner : Chastanier, Castagnède, pour le chêne enfin : Duquenoy, Roure ou Duroure, Rouvière (roure ou rouvre, du latin « robur » étant l´une des appellations occitanes du chêne). Il est plus difficile encore de les identifier quand ces patronymes rappellent des formes plus anciennes encore et oubliées des noms de ces arbres. Deux mots d´origine gauloise et désignant aussi le chêne sont à l´origine de plusieurs patronymes : ce sont les mots « cassanos » qui ont fait les patronymes Cassanier (à ne pas confondre avec Castanier) Cassagnères, Cassagnes, etc… et « blacca » qui est à l´origine de Blache, Blachier, Blachère, Blacherousse, etc…
Le saule a donné lui aussi de nombreux exemples : l´un des patronymes les plus répandus en Haut Vivarais en est peut être issu. Il s´agit du patronyme Seux, si fréquent dans certains villages que des sobriquets sont donnés à chaque famille pour les reconnaître. Précisons cependant que certains onomasticiens ont mis en doute cette origine en s´appuyant sur les formes anciennes du patronyme. On trouve souvent la forme Seuc qui plaiderait en faveur d´un rapprochement avec le mot occitan « suc » qui désigne un sommet, une colline. Par contre, le nom du saule, le salicius latin, a donné plus certainement les patronymes Sauze, Sauzeat, Sauzon, Salique, etc…
C´est au hêtre que se rapporte les patronymes Fayolle, Fayard, Fay qui sont des aménagements du « fagus » latin. Sahuc est peut être un souvenir du « sabucus » latin : le sureau dont la présence signe toujours dans la campagne le site d´un habitat humain, parfois oublié. Compagnon indispensable de l´homme des champs dont il était la panacée, le sureau perdure sur les sites où il a été entretenu alors parfois que les maisons elles mêmes y ont depuis longtemps disparu.
L´aulne est aussi à l´origine de la naissance de certains patronymes et cela surtout à partir de son appellation ancienne : le verne. On peut citer parmi ceux les plus courants en Ardèche : Vernet, Vergne, Vernier, etc…
Probablement sobriquet attribué à une personne grande, mince et très droite, Pebelier est devenu patronyme. Il se rapporte au peuplier, arbre élancé par excellence. Au contraire, celui qui fut affublé du sobriquet Pereyron avait sans doute une toute autre carrure. Petit et trapu, on le compara peut être à un petit poirier (pereyre). Une variété particulière du peuplier, le tremble ( du latin « tremulus ») a donné le patronyme Trémolet, fréquent en vallée de l´Eyrieux.
Le frêne (fraxinus) a donné Dufresne, peu fréquent en Ardèche, mais surtout les Fraisse de la région de St Félicien, les Fraysse du secteur de Vals, les Fressenet des alentours de Tournon, les Freysson et les Frasse d´Aubenas, etc…
L´arbousier des garrigues du sud de l´Ardèche a peut être donné Darbousset par adjonction du « etum » qui marque la collectivité (lieu planté d´arbous) Mais peut être la taupe (darbou en patois régional) est elle à l´origine du sobriquet ?
Le pin a donné Pigne, Pignède, Pinède dans le sud, Pinet plus au nord.
Quelques arbres fruitiers maintenant : les Griottier de la région de Satillieu, les Pommier de Bourg St Andéol et d´Annonay, les Pommaret de la moyenne vallée du Rhône,
Un certain nombre d´arbustes ou de plantes arbustives a aussi donné des patronymes bien connus en Ardèche : Roumezy, Romesin, Roumeas sont peut être également issus de sobriquets. Mais ceux-ci ne se rapportaient plus à une particularité physique, mais à un trait de caractère. Ils font allusion à la ronce dont les porteurs avaient sans doute le piquant. Les Mourier, Morier, Moureyre ont la même origine, à partir du latin « morum », ronce. Les Chalayer, les Chalaye et les Challéat, les Feugier, les Fougier, les Fougeirol et les Fougeron ont-ils eu des maisons construites dans un lieu envahi par les fougères , et par les genêts pour les Genest, Geneston, Genestier, Gineste ?
C´est enfin à une particularité de l´habitat, planté d´un ou plusieurs arbres caractéristiques et non plus cette fois à un sobriquet que l´on doit les patronymes à nom d´arbre précédé du préfixe « de ». C´est le cas des Duquenoy, déjà cité, des Dubesset (bouleau), des Decormes (sorbier) des Deleuze (chêne-vert) des Delorme, Delhomme et Delhoume (orme), des Delestit (tilleul), des Dufaud (hêtre), des Dupin, des Duroure (déjà cités) Les Delarbre appartiennent à cette catégorie de même que les Dubois, La Selve, Servier, Servy (forêt). Michel GUIGAL