Décidément les serpents de mer ont la vie dure…
Faut-il y revenir ? Nous sommes toujours, en cet an 2000, au 2ème millénaire et au 20ème siècle. Nous ne changerons de siècle et de millénaire qu’au premier janvier 2001. Plusieurs de nos lecteurs ont interpellé notre ami Jean-Marie CODOUL qui écrivait dans le précédent numéro de notre bulletin :  » Nous allons abandonner, à la fin de l’an prochain, le vieux siècle qui était le nôtre.  » Notre ami Jacques RAPHAEL, par exemple, nous écrit :  » Il faut se rappeler que le zéro est le début de toute échelle de graduation et non pas le un. Ainsi, le 21ème siècle et le 3ème millénaire commencent à 0 h de l’an 2000″. Je me demande pourquoi notre ami n’a pas achevé sa pensée en écrivant plutôt :  » A 0h du 0 janvier de l’an 2000 « . Tiens ! Il n’y a pas de 0 janvier ? Tout simplement, cher Jacques, parce que le calendrier n’est pas un instrument de mesure. Il ne mesure pas le temps écoulé depuis l’origine du calendrier, il donne seulement la date, c’est à dire le numéro ordinal du jour, le numero ordinal du mois et le numero ordinal de l’année. Le premier jour du premier siècle porte le numéro 1. Il n’y a pas eu de jour zéro, il n’y a pas eu d’année zéro. Le premier siècle a donc englobé l’année cent, et ainsi de suite. Pour donner la parole aux personnes compétentes, des journalistes ont interrogé les spécialistes de l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides. Ils sont formels : nous sommes encore au 20ème siècle.
        Mais, fort de cette affirmation des professionnels de la date, qui disent haut et fort qu’il n’y a pas d’année zéro, un autre de nos amis, Daniel Valland, nous écrit :  » Cette fois, ce n’est pas moi qui le dis. L’an zero n’existe pas, ce n’est pas une vue de l’esprit.  » Et il ajoute :  » Sur les tables de mortalité, j’ai toujours écrit, et je ne suis pas le seul, 8 Jours, 3 semaines, 6 mois et tous entraient dans la statistique des moins d’un an  » Cette derniere phrase mérite une explication.
Dans nos tables alphabétiques, nous notons l’âge au décès (quand il est connu). Mais, pour permettre les statistiques, il se trouve que cet âge doit être noté en années, sans tenir compte des fractions d’années. Pour un adulte mort à 57 ans et six mois, l’âge retenu est 57 ans. Pour les bébés morts avant d’avoir atteint l’âge d’un an, nous notons donc 0. C’est ce que notre ami conteste puisqu’il n’existe pas d’année zéro…. !
Puisque seul l’avis d’un spécialiste est crédible, j’ai soumis le problème à Michel Heurtier, de l’Institut de Calcul des Ephémérides. Ce scientifique de haut niveau, très gentiment, me répond par un cours magistral abondamment documenté.  » Un âge, me dit-il, est la différence entre deux dates. Une date ne représente pas un âge et la définition que vous proposez dans votre système de notation correspond à prendre la partie entière de l’âge exprimée en années. Donc 0,9 an = 0 an et 1,1 an = 1 an.  » S’appuyant sur la définition donnée par la norme ISO 8601 (§ 5.5.3.2) publiée par l’AFNOR, il explique que l’âge s’exprime par trois éléments : Y (nombre d’années entières écoulées) M (nombre de mois entiers écoulés) D (nombre de jours entiers écoulés). Tant que le bébé n’a pas passé le cap d’une année, l’élément Y est égal à zéro.
        A la décharge de notre ami Daniel Valland, Michel Heurtier ajoute :  » La confusion classique entre la date et le temps écoulé provient du fait que ces deux entités utilisent une forme de structure très voisine. La notation ISO évite donc toute confusion entre date du calendrier et durée « .
        Alors ? Le monstre du Loch Ness va-t-il enfin mourir ? Ou bien, comme le Phénix, va-t-il renaître de ses cendres ? Michel GUIGAL